L’horrifique offre musicale de Prague

La scène du Rudolfinum

À mon arrivée à Prague l’immersion dans l’offre musicale locale fut une expérience enivrante. Je découvris l’incroyable prolifération des concerts dans la ville au point même de constater qu’il n’était pas possible de tout suivre. Il n’y avait même pas de plate-forme sur Internet les recensant toutes. La veille était exigeante.
En effet la programmation se répartit entre celle des institutions bien établies et celle beaucoup plus évanescente, imprévisible, des petites structures et celle destinée essentiellement aux touristes. J’ai pu trouver cette situation à Vienne et encore plus à Salzbourg.
J’aurai donc passé trois ans à parcourir les belles salles de Prague avec plusieurs concerts par semaine pour entendre les meilleurs musiciens de l’époque avec une nette prédilection pour ceux d’Europe centrale interprétant un répertoire que je connaissais mal.

Le Théâtre des États

LE PAYSAGE MUSICAL TCHÈQUE - SEPTEMBRE 2015

Les dernières données disponibles en septembre 2015 émanaient du « National information and consulting for culture » (NIPOS) sur le secteur, à partir d’une enquête conduite en 2012 auprès de 39 ensembles (deux sous la tutelle du ministère de la Culture, neuf des collectivités territoriales, sept sociétés d’utilité publique, onze avec un statut associatif ou autres, huit avec le statut d’entreprise).
En 2014, l’ensemble de ces 39 ensembles musicaux avait produit 2546 concerts (en hausse de 9% par rapports à 2008) dont 323 à l’étranger et 2237 avec la participation de chefs ou de solistes étrangers (46 478 tickets vendus). Les ensembles sous la tutelle des autorités assuraient 70% de l’auditoire et 55% des concerts. Le secteur associatif et reconnu d’utilité publique représentait 26% de l’auditoire et 34% des concerts.

Affiche du Festival du Printemps de Prague

1. Des festivals de grande qualité

Dans la compétition que se livrent les capitales culturelles européennes, les festivals jouent un grand rôle et Prague a réussi à trouver une place dans les destinations les plus réputées.

  • Le Festival de Printemps de Prague reste le plus prestigieux d’entre eux et depuis 2014, ses organisateurs proposent également un Festival de piano Rudolf Firkusny. La programmation de l’Orchestre des Champs-Elysées (2009), de l’Orchestre Philharmonique de Radio France (ouverture 2013), de l’Ensemble intercontemporain (2013), des Arts florissants (2014) inscrit dans le paysage tchèque la présence française et entretient le cours des invitations (Pierre-Laurent Aimard 2014), Charles-Antoine Duflot (2015).
  • Festival international d’orgue de la basilique Saint-Jacques : De très grande qualité, ce festival bénéficie de contributions de l’IFP pour l’invitation des titulaires de grandes orgues de France. Son organisatrice Irena Chřibková, elle-même organiste de talent, est francophone. En septembre 2015, Yves Castagnet, organiste de Notre Dame de Paris, est au programme du festival.
    Les orgues de Saint-Jacques
  • Nachtigall Artists : De nouveaux intervenants investissent la scène praguoise notamment pour l’accueil de grands interprètes étrangers. Mme Nachtigallova a ainsi sollicité cette ambassade pour les récitals de Cecilia Bartoli (2011), Rollando Villazon (2012), Patricia Petibon (2013), Diana Damrau et Nicolas Testé (2014).

2. La musique baroque, un axe privilégié de partenariat

Notre coopération a véritablement accompagné, depuis la Chute du Mur, l’épanouissement de la musique baroque à Prague en donnant son appui à deux ensembles qui conservent des liens privilégiés avec la France :

  • Le Collegium Marianum : Le partenariat IFP/Festival de Sablé/Collegium Marianum s’est révélé l’un des plus fructueux de ces années fastes multipliant les collaborations entre académies, échanges entre musicologues, productions interdisciplinaires, invitations de grands interprètes français (Benjamin Lazar, Philippe Jaroussky, Claire Laffiliâtre, Alain Buet, Isabelle Druet, Arnaud Marzorati, Denis Monory, Damien Guillon, Maïlys de Villoutreys).
    Accueilli dans de nombreuses salles (Théâtre de Vinohrady, Opéra d’État, Théâtre des États, Château de Prague), le Collegium Marianum est notamment à l’origine du Festival d’été de musique ancienne de Prague.
    C’est sur cette renommée que le Centre de musique baroque de Versailles lui propose un projet sur 3 ans pour explorer au-delà d’une programmation artistique, des axes communs de formations et de recherche.
  • Le Collegium 1704 : Depuis dix ans le Collegium 1704 réserve une place de choix aux solistes français (Sébastien Monti, Véronique Gens et Sandrine Piau en 2015, Damien Guillon en février 2016 et Benoît Arnould en mars 2016) et à l’accompagnent musical des projets « français » avec le Théâtre National (Rinaldo).

3. La musique de chambre

  • FOK – orchestre symphonique de la Ville de Prague
    Dans le cadre de leurs saisons « musique ancienne » et « grands solistes piano » ont été soutenus plusieurs projets (Doulce Mémoire, Alexandre Tharaud) et des concerts de Serge Baudo, chef d’orchestre français. Un partenariat a été retenu avec le directeur artistique de Musica Nova pour 2016 autour des œuvres de Gallus résidant à la cour de Prague sous Rodolphe II.
  • PKF Prague Philharmonia
    Orchestre dynamique dédié tout autant à la musique de chambre qu’à la musique contemporaine, la Philarmonie a accueilli en 2015 Emmanuel Pahud, Paul Meyer et Augustin Dumay et sera dirigée à partir de septembre par Emmanuel Villaume.
    Augustin Dumay
    Concert du PKF avec Augustin Dumay
    Ambiance dans les galeries du Rudolfinum

4. La musique contemporaine

  • PKF Prague Philharmonia
    La Philarmonie poursuit le cycle lancé par l’IFP sous le nom de "Le Bel Aujourd’hui", seul rendez-vous de musique contemporaine de Prague, comptant des abonnés particulièrement fidèles.
  • Festival Contempuls : Festival, bien implanté, avec qui deux collaborations ont été entreprises.
Le Palac Akropolis

5. Les musiques actuelles

  • EuroConnections au Palac Akropolis
    Le partenariat avec Euroconnection sous le label FrenchBox (Ibrahim Maalouf ; Arno ; Spitzer, Chinese man, Guillaume Perret, Chapelier Fou, Wax Taylor…) avait été initié en 2013/2014 en vue d’un triple objectif : obtenir l’estime et la reconnaissance des médias prescripteurs tchèques (Radio 1, Radio Wave, et Český rozhlas), et favoriser l’accès des artistes français à la plateforme de diffusion en streaming d’artistes indépendants 1Dtouch et leur participation au festival professionnel Nouvelle Prague Music Showcase.
    Le cofinancement très ponctuel (2014) accordé sur ce programme prometteur n’a pas permis de maintenir le soutien à ces concerts live, qui rassemblent un grand nombre de spectateurs dans les salles les plus connues des jeunes tchèques. L’Institut français de Prague soutient cependant en 2015 le concert d’Isaac Delusion.
    Erik Truffaz à l’Akropolis
  • Le jazz : Prague a connu une relation particulière le jazz puisque présent dans les années trente il avait un statut très particulier sous le régime socialiste. Les clubs de jazz à Prague sont aujourd’hui assez rares et peu innovants à l’exception de Jazz Dock et il n’y a pas non plus de festival. Il ne fut pas question de promouvoir le jazz français à Prague en dehors de quelques tournées à l’Akropolis.
  • Festival Respect world music
    La riche programmation du festival (Souad Massi, Benda Bilili, Trio Joubran, Mamar Kassey, Le duo Amadou & Mariam, Salif Keita, Lo Cor de la Plana) justifie un soutien resté modique faute d’autre concours. Cet automne 2015, le jazzman Erik Truffaz effectuera dans ce cadre une tournée en République tchèque (Plzen, Prague, Ostrava et Olomouc), soutenu par l’IFP et le réseau des Alliances Françaises en RT.

Les scènes de musiques actuelles, toutes privées sont très actives et ouvertes à
l’international. Leur programmation variée sert d’appel à la diffusion des musiques actuelles françaises dans les medias et en streaming.

  • La musique électronique : elle a connu un essor fulgurant en s’appuyant sur les nombreuses boites de nuit de la ville. Les DJ français y ont gardé leurs habitudes.

6. Quels choix à venir ?

La préparation du budget 2016 prévoyait de maintenir une contribution modique aux festivals les plus emblématiques, choix largement justifié par la visibilité donnée à la vitalité de la production et à la qualité des interprètes français. Chaque événement est accompagné d’une réception à la Résidence de l’ambassade ; elle rassemble des publics et partenaires de disciplines diverses et témoigne de la place pérenne de la France dans tout l’éventail des arts.
À NOTER : deux projet plus ambitieux et structurants sont soumis cette année à l’IF Paris pour obtenir une subvention.

  • MusicaNova/Orchestre philarmonique de la ville de Prague
    Programme franco-tchèque (Gallus voir supra) produit après sélection sur auditions de quatre chanteurs tchèques qui accompagneront les huit chanteurs français de l’ensemble Musica Nova.
  • CMBV/Collegium Marianum
    Projet intégrant programmation/formation/recherche (voir infra) assorti de la demande d’un évènement grand public servant de résonance au partenariat ainsi engagé.
  • Sur les musiques actuelles
    En l’absence de soutien pluriannuel, une stratégie vis-à-vis des medias et organismes prescripteurs en République tchèque est hors de portée et il fallut choisir de s’en éloigner. Cela n’empêchait pas les agents de programmer Zaz ou Charles Aznavour !